Le cacao, fruit né des larmes versées par le dieu Quetzalcoatl à la mort de son épouse, possède une histoire millénaire, passant de rituel sacré à produit d’exportation phare en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Originaire du bassin amazonien en Équateur, le cacaoyer s’est rapidement propagé le long de la côte pacifique de l’Amérique du Sud au cours du IIe millénaire avant J.-C., puis en Amérique centrale et au Mexique. C’est ainsi que les Olmèques, les Mayas et les Mexicas commencèrent à cultiver le cacao bien avant l’arrivée des Européens. Dès 1500 av. J.-C., l’une des plus anciennes civilisations d’Amérique, les Olmèques, préparaient une boisson amère à base de fèves de cacao ; pour eux, ce fruit représentait un symbole d’abondance utilisé lors de rituels sacrés dédiés aux divinités.
De leur côté, les Mayas considéraient le cacao comme un cadeau divin : ils le mélangeaient à de l’eau, du piment et des épices, et en réservaient la consommation à la noblesse et aux guerriers. Au fil du temps, ils perfectionnèrent l’usage du cacao en élaborant le xocolatl, une boisson amère et mousseuse, perçue comme un élixir de puissance.
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Le cacao était si précieux que ses graines faisaient office de monnaie : un lapin pouvait valoir dix fèves, tandis qu’une Quauchtli (couverture) se négociait entre 60 et 100 fèves. Bien plus qu’un aliment, l’utilisation du cacao était un symbole de statut social et une offrande aux dieux.
Du rituel amer à la douceur sucrée
Après l’arrivée des colons, les fèves de cacao ainsi que le savoir de leur préparation furent introduits en Espagne en 1528. Toutefois, le xocolatl ne conquit pas immédiatement les palais européens. Les moines espagnols, en expérimentant avec des ingrédients locaux, y ajoutèrent du miel et de la canne à sucre, adaptant ainsi la boisson aux goûts européens. C’est ainsi que naquit le chocolat sucré, qui devint en quelques décennies très prisé dans les cours royales d’Espagne, de France et d’Italie, avant de se répandre dans toute l’Europe et jusqu’en Asie.
L’Amérique latine, berceau et gardienne du cacao
Durant la période coloniale, les plantations de cacao prospérèrent dans les régions au climat tropical et aux sols fertiles. Ce fruit devint ainsi l’un des premiers produits agricoles à être exportés. Cependant, la production de cacao fut aussi profondément liée à l’histoire de l’esclavage : pour répondre à la demande croissante en Europe, les colons mirent en place des systèmes de travail forcé pour cultiver les précieuses fèves.
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Malgré ce passé douloureux, l’Amérique latine a conservé son rôle de cœur spirituel du cacao, protégeant les variétés indigènes qui sont aujourd’hui considérées comme des trésors génétiques inestimables. En particulier, le cacao criollo – une variété native du continent – a acquis une renommée internationale grâce à son arôme frais et fruité, aux notes d’épices, de fleurs et de miel.
L’héritage du cacao en Amérique latine

Partout dans la région, le cacao est bien plus qu’une simple matière première : c’est un patrimoine culturel et gastronomique vivant. Au Mexique, en plus d’avoir une Journée nationale du cacao et du chocolat, se tient le Festival du chocolat à Tabasco : quatre jours d’expositions gastronomiques, de dégustations, de conférences et d’ateliers. De son côté, le Salon du Cacao et du Chocolat, organisé chaque année à Lima, célèbre non seulement les saveurs, mais aussi les histoires, traditions et peuples ayant préservé le lien sacré avec ce fruit millénaire.
Aujourd’hui, la production de cacao en Amérique latine est en pleine expansion, avec des pays comme l’Équateur, le Brésil et la Colombie en tête. Réputée pour son cacao fin et aromatique, la région continue de gagner du terrain sur la scène internationale. Cette ascension s’accompagne d’un fort engagement envers des pratiques durables et responsables, renforçant encore sa position sur le marché mondial.
Des cérémonies mésoaméricaines anciennes aux salons contemporains qui lui rendent hommage dans le monde entier — à Paris, New York, Tokyo, Istanbul, Shanghai ou encore Dubaï — le cacao témoigne d’un lien profond entre l’humain et la terre. Chaque fève renferme des siècles de savoirs ancestraux, des arômes qui racontent les territoires et des saveurs qui éveillent les souvenirs. Explorer l’univers du cacao, c’est découvrir l’essence même d’une région qui a fait de cet aliment un symbole d’identité, de résistance et de fierté collective.
Photos : Fripik | National Geographic | Musée du Louvre