Blottie entre collines et toits orangés, Guanajuato est une ville où l’histoire ne se contemple pas derrière des vitrines. Ses rues, peuplées de momies et de mythes d’amours tragiques, sont idéales pour se perdre dans une beauté coloniale restée intacte. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1988, cette ancienne cité minière du centre du Mexique offre un véritable voyage au cœur de l’âme du pays.
Une ville bâtie entre mines et collines

Grâce à la richesse de ses veines, Guanajuato est devenue au XVIIIe siècle le premier centre mondial d’extraction d’argent. Cette splendeur perdure dans l’architecture de son centre historique : églises baroques comme San Diego ou la Basilique Notre-Dame de Guanajuato, élégantes places telles que le Jardín de la Unión, ou encore le majestueux théâtre Juárez — inauguré en 1903 et orné de huit muses inspirées de l’art grec.
Flâner dans le centre revient à plonger dans un labyrinthe de ruelles pavées, de balcons fleuris et de tunnels qui serpentent sous la ville. Ce n’est pas une image : le réseau souterrain de Guanajuato, initialement conçu pour lutter contre les inondations, fait désormais partie intégrante du réseau routier urbain et lui confère un caractère unique.
Entre « callejoneadas » et légendes
Guanajuato se vit plus qu’elle ne se visite. L’une des traditions les plus emblématiques est la « callejoneada », promenade nocturne guidée par des troupes d’étudiants musiciens qui entraînent les voyageurs à travers les ruelles emblématiques au son des chants et des contes populaires. Ces récits oraux, transmis de génération en génération, prennent vie au fil des pas et des mélodies. Amours interdits, fantômes de mineurs et pactes anciens façonnent l’imaginaire local.
Parmi les ruelles les plus emblématiques, le Callejón del Beso (ruelle du baiser) occupe une place à part. Sa légende rappelle, en version mexicaine, l’histoire de Roméo et Juliette : Ana, jeune fille de bonne famille, et Carlos, modeste mineur, s’aimaient en secret depuis leurs balcons si proches qu’ils pouvaient se toucher. Un jour, le père d’Ana les surprend, et dans un accès de colère, poignarde sa fille, qui meurt dans les bras de son amant. Depuis, on raconte que les couples qui s’embrassent sur la troisième marche de cette ruelle seront bénis par sept ans de bonheur amoureux. Aussi étrange que soit ce lien entre une tragédie et la chance, partager un baiser à Guanajuato sur ces marches reste un souvenir inoubliable.
Des musées d’histoire (et un peu plus)

Guanajuato abrite l’un des musées les plus singuliers du Mexique : le musée des Momies. Plus de 50 corps momifiés naturellement — exhumés du cimetière municipal — y sont exposés. Le sol et le climat locaux ont permis cette momification naturelle, conservant peau, cheveux et vêtements. Parmi les spécimens, certains ont des histoires uniques, comme la « plus petite momie du monde » (un fœtus) ou la « momie voyageuse », exposée dans plusieurs musées internationaux. Une visite pour le moins insolite, mais assurément mémorable.

Plus classique, mais tout aussi significatif, le musée de la Maison Diego Rivera, installé dans la demeure natale du célèbre muraliste. Située au centre historique, à quelques pas du théâtre Juárez et de l’Université de Guanajuato, cette maison-musée présente œuvres originales et objets personnels de l’artiste. Pour les passionnés d’histoire, l’Alhóndiga de Granaditas — lieu clé de l’indépendance mexicaine — offre un parcours sur les fondations de la nation.
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Une carte postale depuis les hauteurs
Monter au mirador du Pípila est un passage presque obligé. Depuis ce point de vue, la ville s’étend en un patchwork de maisons colorées accrochées aux collines. Aux pieds du monument dédié à El Pípila, héros de l’indépendance, on comprend pourquoi Guanajuato a tant inspiré écrivains, cinéastes et voyageurs au fil des décennies.
Art et culture chaque mois d’octobre
Outre les célébrations du Jour des Morts, Guanajuato accueille chaque année le Festival International Cervantino, l’un des plus grands événements culturels d’Amérique latine. Né en 1972 autour de pièces de théâtre de Cervantès, notamment ses « Entremeses », jouées dans les rues et les places, le festival attire aujourd’hui, pendant près de trois semaines en octobre, des artistes du monde entier pour des spectacles de danse, musique, théâtre et expositions.
Des saveurs qui racontent une histoire

La gastronomie locale ne manque pas d’âme. Les « enchiladas mineras », tortillas garnies de fromage ou de poulet, nappées de sauce rouge et servies avec pommes de terre, carottes et piments marinés, rendent hommage aux repas préparés par les épouses de mineurs. Pour se rafraîchir après une longue promenade, le « Caldo de oso » (littéralement “bouillon d’ours”) est une boisson piquante à base de citron, concombre, oignon, piment et jicama. Enfin, côté sucré, les « tumbagones », pâtisseries frites en forme d’anneaux ou de spirales, faites de farine, œuf, anis et saindoux, sont généreusement saupoudrées de sucre, parfois de cannelle.
Guanajuato n’a pas besoin de se réinventer pour rester actuelle : elle continue d’exister en restant fidèle à elle-même. Chaque recoin témoigne d’une ville qui a su préserver son identité sans se couper du présent. Sa richesse ne réside pas seulement dans ce qu’elle montre, mais dans la manière dont elle le transmet : une culture habitée, vécue, transmise, et sans cesse réinterprétée. Visiter Guanajuato, c’est s’imprégner d’une version du Mexique qui ne s’est pas figée, qui refuse de se résumer à une image de carte postale, et qui continue, simplement, de marcher, de chanter, de cuisiner, et de raconter.
Photos : Secretario de Turismo de Guanajuato | Museo de las Momias de Guanajuato | Mexico Desconicido | DR