Chaque année, au mois de juin, l’Inti Raymi, ou Fête du Soleil, illumine les Andes d’un éclat tout particulier. Plus qu’un rituel ancestral, cette célébration est un véritable symbole d’identité et de mémoire pour les peuples autochtones. Si elle est également commémorée en Équateur et en Bolivie, c’est à Cusco, au Pérou, berceau de l’ancien empire inca, que se tient la version la plus spectaculaire et emblématique. Loin d’être figée dans le passé, l’Inti Raymi incarne une fierté culturelle, transmise de génération en génération.
Le premier rayon de lumière

Dans leur sagesse ancestrale, la civilisation inca croyait au pouvoir spirituel de la nature. Parmi les nombreux dieux qu’ils vénéraient, Inti, le dieu Soleil, tenait une place prépondérante : il illuminait le ciel et faisait mûrir les récoltes. C’est ainsi qu’autour de 1430, l’empereur Pachacutec — à qui l’on doit la construction du Machu Picchu — institua une célébration pour remercier le soleil des moissons passées et implorer sa bénédiction pour le prochain cycle agricole.
Les festivités, qui pouvaient durer jusqu’à 15 jours, se tenaient sur l’actuelle Plaza Mayor de Cuzco (place Huacaypata), où jusqu’à 50 000 personnes venues de tout l’empire se rassemblaient pour célébrer et renouveler leur allégeance à l’Inca. Cette grande réunion avait lieu fin juin, à l’occasion du solstice d’hiver dans l’hémisphère sud. La veille, les habitants du Tahuantinsuyo (l’empire Inca) éteignaient toutes les torches pour attendre le lever du soleil. Au petit matin, quand l’astre solaire apparaissait, danses, chants en langue quechua, sacrifices et offrandes en son honneur annonçaient le début de l’Inti Raymi.
Cette période de joie prit fin avec l’arrivée des colons espagnols, qui voyaient ces rituels comme des pratiques païennes. Malgré, les communautés autochtones continuèrent à les célébrer en secret.
Notre article : Cuzco, la cité impériale du Pérou
La renaissance d’une tradition

Il fallut plus de trois siècles pour que cette fête ancestrale réintègre la vie culturelle de Cuzco. En 1944, l’artiste Faustino Espinoza Navarro, avec l’historien Humberto Vidal Unda, relança l’Inti Raymi pour redonner vie à cette tradition et dynamiser le tourisme dans la région.
En se basant sur les chroniques décrivant les rituels d’époque, Espinoza rédigea un scénario théâtral en quechua qui reflétait les pratiques politico-religieuses incas, en excluant toutefois les sacrifices humains.
Depuis cette première mise en scène, la cérémonie est recréée chaque année, le 24 juin, et n’a cessé de prendre de l’ampleur. Au point que, même annulée en raison de la crise sanitaire liée au COVID-19, elle fut diffusée à la télévision et sur Internet en 2021 pour ne pas rompre la tradition.
L’Inti Raymi aujourd’hui
De nos jours, l’Inti Raymi est un véritable spectacle théâtral qui conserve son essence en tant qu’expression culturelle célébrant les racines andines. La fête se divise en trois étapes :
- Temple de Corikancha : La journée commence par un salut au Soleil. Le Sapa Inca (empereur) fait son apparition entouré de musiciens et de danseurs en costumes traditionnels. Ensuite, le cortège descend la rue Loreto vers l’étape suivante.
- Plaza de Armas : C’est ici que se déroule le Rite de la Coca ainsi que la Rencontre des Temps, au cours de laquelle l’Inca remet au maire de la ville le khipu, symbole des trois pouvoirs : munay (aimer), yachay (savoir) et llankay (travailler).
- Sacsayhuamán : Ce site archéologique majestueux accueille la cérémonie principale, marquée par des rituels solennels et des offrandes au dieu Soleil. L’événement culmine avec des danses typiques et les discours cérémoniels du Sapa Inca (l’empereur Inca).
Avec plus de 60 000 spectateurs – nationaux et internationaux- et 1000 artistes impliqués, l’Inti Raymi est aujourd’hui l’une des célébrations les plus importantes de la culture péruvienne.
Autrefois symbole d’unité pour l’empire inca, l’Inti Raymi incarne aujourd’hui un lien fort avec le passé préhispanique et un témoignage vivant de la résilience des cultures autochtones. Malgré les tentatives d’effacement, la tradition perdure — fidèle à ses origines tout en s’adaptant à son temps.
Photos : Andina